L’ombre de Staline (2020) d’Agnieszka Holland

Après avoir décroché une interview d’Hitler qui vient tout juste d’accéder au pouvoir, Gareth Jones débarque en 1933 à Moscou afin d’interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique. A son arrivée, une source le convainc alors de s’intéresser à l’Ukraine…

© Condor Distribution

Biopic typique

Le cinéma adorant réhabiliter les lanceurs d’alertes, il n’est pas étonnant de voir que l’histoire de Gareth Jones, journaliste britannique ayant dévoilé l’exploitation de l’Ukraine par l’U.R.S.S. au monde entier, ait pu inspirer la réalisatrice Agnieszka Holland.

Dès son commencement, le film a de quoi énerver. Face à une foule hilare, le protagoniste clame la dangerosité d’un certain Adolf Hitler, tout juste élu chancelier en Allemagne. Si on ne peut reprocher au film de surexploiter ce type d’ironie, le ton est donné : Gareth est un visionnaire seul contre tous que l’on doit absolument admirer malgré sa fadeur. Sa vision binaire du journalisme ne sera jamais remise en question et pas même une nuit passée avec une femme – à peine suggérée, alors qu’elle aurait pu développer un conflit intérieur – ne viendra le détourner de sa quête de vérité. Cette absence d’évolution, voire d’humanité, rend le personnage assez superficiel, et seule la frustration de ne pas le voir réussir à dénoncer ce que nous avons pourtant découvert avec lui vient créer un peu d’attachement. 

La mise en scène brute à base de caméra portée vient toutefois insuffler une véritable personnalité au film, notamment lors d’une longue séquence en Ukraine qui s’avère sensorielle et radicale. Tout à coup, les dialogues se font rares et la musique disparaît au profit d’un souffle incessant et insupportable, rappelant l’ambiance glaciale du film Curling de Denis Côté. La couleur orange d’un fruit vient s’opposer aux tons grisâtres d’un train rempli d’Ukrainiens affamés ; les intérieurs sont désaturés et les habitants dévitalisés. Le film est également ponctué d’effets de montage bienvenus allant de l’accélération des images aux effets miroirs. Nous pourrions également mentionner ce très beau plan où un ciel entièrement rouge surplombe les rues de Moscou, enfermant les personnages dans une artificialité faisant d’eux des pantins.

Si L’ombre de Staline est loin d’être un mauvais film, on ne peut que déplorer son manque d’ambition. La réalisatrice s’interdit tout hors champ en adoptant de temps à autre le point de vue des soviétiques, que l’on voit par exemple écouter à une porte ou interrompre une conversation téléphonique. Aucun personnage secondaire profond ne vient compenser la structure extrêmement classique et prévisible du film. En sortant de la salle, on a la désagréable impression d’avoir vu exactement ce à quoi on s’attendait, malgré la très belle séquence en Ukraine.

L’ombre de Staline d’Agnieszka Holland / Avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard / Sortie le 22 juin 2020.


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