
Origine France
Sur le papier, Teddy a de quoi rendre méfiant. S’aventurer sur le terrain de la comédie adolescente d’horreur est un exercice difficile, auquel les américains aiment se prêter en misant sur l’humour gras et l’absence de subtilité. Pourtant, la nomination en sélection officielle à Cannes, la distribution signée Manuel Chiche et la bande-annonce attisent la curiosité. Quelques semaines plus tard, le film se voit proposé en avant-première à Gérardmer, l’occasion de se laisser séduire par cette belle proposition.
Teddy doit une grande partie de son charme à sa dimension sociale. On le sait, le cinéma fantastique a pour coutume de traiter les transformations physiques comme la métaphore d’un décalage que le personnage rejette, avant d’être forcé à l’accepter suite à son exclusion. Ici, le protagoniste se distingue des jeunes de son âge par son niveau d’études. Teddy a arrêté les cours au collège et travaille dans un salon de massage, ce qui est aux antipodes de sa personnalité, lui qui voulait travailler au Quick. Sa patronne au comportement passif-agressif lui fait des avances allant jusqu’à l’agression sexuelle, et il est obligé de faire face au mépris des clients de son âge, pour qui sa profession est l’occasion d’un pari entre amis. Ce ne sont donc pas des questions superficielles de beauté ou de popularité qui isolent Teddy, créant un véritable attachement pour le personnage car son mal-être est profond et ne s’arrangera pas au fil des années. L’aspect teen-movie du film trouve son climax dans un échange violent qui confirme l’incapacité du protagoniste à s’intégrer, avec une scène de bagarre où les réalisateurs font le choix de l’anti-spectaculaire, suivie d’un très beau ralenti qui scellera la rupture entre ces deux mondes et le carnage à venir.
La mise en scène de Teddy est d’une élégante sobriété et parvient parfaitement à lier la dimension horrifique et sociale du film. Le cadre laisse systématiquement une grande place au vide accentué par des distances exagérées, attirant l’attention sur l’arrière-plan et accentuant à quel point les horizons sont limités dans ce village où tout le monde se connaît. En ce sens, les décors accentuent la localisation du film, avec ce salon de massage glauque ou la fameuse salle des fêtes. Les personnages sont le fruit d’un travail de réalisme, comme Teddy avec sa boucle d’oreille et sa façon d’insulter sa patronne, mais également la peau abîmée et l’appareil dentaire de Rebecca. Si le régionalisme évoque P’tit Quinquin de Bruno Dumont, on retrouve également son humour discret et ses personnages à l’ouest qui ne semblent jamais prendre conscience de la gravité de la situation. L’oncle de Teddy est extrêmement attachant car il est à la fois absurde et dissimulé, sa tendresse pour son neveu saute aux yeux, rendant son conflit final assez touchant.
Malheureusement, toute la partie sentimentale s’écroule lors du dernier tiers qui compte bien trop sur sa bande-son pour illustrer les déboires adolescents, malgré un voyeurisme érotique rageant rappelant Carrie de Brian de Palma, annonçant ainsi le final. Le climax horrifique est quant à lui très réussi, avec ces plans fixes glaçants où les victimes tentent de se cacher dans les toilettes du lycée, ces couloirs colorés vides d’où peut surgir le loup-garou à tout instant, et le temps dilaté qui rend la scène véritablement stressante. Malgré quelques faiblesses, Teddy réussit donc parfaitement son mélange des genres tout en affichant une personnalité évidente, faisant de lui une proposition originale et accessible, profondément française, réalisée par deux frères à suivre dans les années à venir.
Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma / Avec Anthony Bajon, Christine Gautier, Ludovic Torrent / Sortie le 30 juin 2021.
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