
Voyage au bout de la tripe
Mad God est une boucherie. Stop-motion de créatures monstrueuses au comportement meurtrier et défécatoire. Au commencement, la tour de Babel, puis le courroux démiurge. Et la ruine fut.
Sur les décombres apocalyptiques, descend une cloche de plongée, dont s’extrait un passager anonyme derrière son masque à gaz, muni d’une lampe à la traversée de l’abîme. Des tératomes massacreurs, des suppliciés titanesque chiant à travers leurs trônes électriques la merde qui fera l’argile d’autres silhouettes hominiformes aux longs poils verdâtres. Oblitérées aussi rapidement qu’apparues par de considérables monolithes métalliques volants. Obéissant, aux piailleries suraiguës du fœtus gothique sur les écrans de la place centrale. Renversée par un autre espace. Fresque d’une faune qui se maltraite, et, ce faisant, ne cesse de remodeler la matière.
Les bottes du voyageurs écrasant de plus petites bêtes, lui sera massacré par de plus grosses. Il s’enfonce toujours plus bas comme dans les couches de l’Enfer Dantesque. Avant de pouvoir accomplir sa mission, il est attrapé, dépouillé de ses organes par des chirurgiens avides, tourmenté dans les souterrains qui l’avalent l’air de rien dans une masse protéiforme qui n’en finit pas de dériver. Extirpé des entrailles du voyageur, un nouveau-né à l’allure intestine, geignant sur les mains d’une entité surplombante aux doigts griffus.
Et des mondes qui plongent et qui s’avalent, des parties en prise de vue réelles mêlées à l’animation, étrangement complémentaires. Changement d’échelle, le titanesque devient minuscule, la trame se déplie à la verticale comme un gouffre de troglodytes aux existences qui s’écroulent, toujours pour en couler de nouvelles. La cohérence est celle de la matière et des espaces qui se recoupent à d’autres, des personnages à la ruine transformée, émettant des borborygmes à leur image, comme traversés par un long gargouilli grouillant.
Futur et passé s’entremêlent ainsi sur une bande sonore réminiscente des visions qu’on a déjà pu oublier par leur abondance. Le nouveau-né est confié à un alchimiste nain tubéreux, qui le remodèle en une poudre diaprée, dispersée par les doigts griffus du premier porteur, à quel dessein ? Eruption cosmogonique soudaine. Aux contours seulement éprouvés, peut-être la formation d’un tout nouveau monde ?
Pas de succession d’actes au dénouement attendu, mais un spectacle des harmonieuses difformités où, comme dans une longue paréidolie justifiée par les états de matière recyclés, une chair peut être rappelée par une autre, un vestige par d’autres édifices, un message entendu dans un cri. Pas de signification en soi. Des projections suscitées sur une mélasse qu’on ne comprend pas, mais qui touche aux sens.
Mad God de Phil Tippett / Avec Alex Cox / Sortie le 26 avril 2023.
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