
Une vie comme une autre
La famille Bilbao est placée sous le signe de la débrouille. Sortant tout juste de prison, Iván devient prêteur sur gage, quand il ne « surveille » pas des voitures devant les boîtes de nuit. Il vit avec sa femme, Yamila, et la fille de cette dernière, Luz. Yamila fait la comptabilité de son mari tandis qu’elle attend un deuxième enfant. Si Iván reste toujours tendre avec Luz, il a des rapports compliqués avec sa famille. Son tempérament est intrinsèque à son business : sa réputation le précède, personne n’a envie de se frotter à quelqu’un d’aussi imposant. Dans les milieux difficiles, la virilité exacerbée est un mécanisme de survie.
Car derrière cet amas de muscles se cache une fragilité certaine. Iván a le physique d’un ancien obèse et la colère de l’enfant harcelé. Plusieurs fois il se vante de faire peur, de s’être vengé de tous ceux qui le faisaient souffrir. Cette colère se manifeste à travers plusieurs disputes virulentes dans lesquelles il se montre particulièrement cruel : il renvoie sa femme à la violence de son ex-copain, sa mère à sa précarité, son père à son statut d’orphelin. Ces scènes sont puissantes car Iván n’est pas idéalisé, c’est un homme comme un autre qui souffre et qui fait souffrir ses proches.
Loin de tout regard moralisateur ou romantique, Pedro Speroni fait des Bilbao une représentation du peuple dans son ensemble : ceux qui subissent leurs conditions de vie sans se laisser abattre, qui sont imparfaits, qui se débrouillent comme ils peuvent. Et puis apparaissent quelques moments de grâce ponctuels, lors d’une échographie ou d’un moment passé en famille. La vie, ni plus ni moins.
The Bilbaos de Pedro Speroni / Projeté à Visions du réel en avril 2023.
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