
Ce qu’il reste de l’avant
Tommaso Santambrogio avait déjà montré l’influence de Lav Diaz dans son œuvre avec The Oceans Are The Real Continents, court-métrage mélancolique mettant en scène un couple de trentenaires. Il n’est donc pas surprenant de voir le cinéaste à la recherche d’un général tortionnaire dans Taxibol. Quête de vengeance ? Projet de film cathartique à la S21 ? Il n’en sera rien.
Le titre s’affiche et Lav Diaz ne reviendra plus. On voit cet homme, que l’on imagine être ledit général, dans un décor de méchant de film. Villa paisible avec domestiques, l’homme exerce sa domination dans le silence ; il se lève de table, renverse sa serviette, la domestique la ramasse. Pas un seul mot n’est prononcé. Les domestiques ne parlent pas, les animaux empaillés non plus. Ce silence est également celui d’un passé sombre, qui revient par bribes dans les cauchemars du général.
Pas de ressentiment chez Tommaso Santambrogio ; ce qu’il filme, c’est la banalité du mal. On voit cet homme vieillissant et méprisable dominer ses employés, mais on éprouve quand même pour lui une certaine pitié. Il émerge de cette structure répétitive une image de la vieillesse qui n’est pas sans rappeler Jeanne Dielman. Le général ne jouit pas de la vie ; ce constat désagréable désamorce l’indignation. Des Philippines à Cuba en passant par l’Italie, Taxibol prône l’universalité de la nature humaine et de la domination.
Taxibol de Tommaso Santambrogio / Projeté à Visions du réel en avril 2023.
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