Beau is afraid (2023) d’Ari Aster

Beau tente désespérément de rejoindre sa mère. Mais l’univers semble se liguer contre lui…

© ARP Sélection

Allô Maman beau-beau

Si Midsommar gardait une structure traditionnelle de folk horror, le nouveau film d’Ari Aster franchit un cap dans la filmographie de son auteur. Au diable le diktat du scénario, place à un vague fil rouge prétexte à une abondance d’expérimentations en tout genre. La première heure de Beau is afraid témoigne d’une maîtrise ahurissante des éléments de mise en scène : les mouvements de caméra sont bizarres, le son nous transporte dans une subjectivité terrifiante, les ellipses en jump cuts font office de petits jump scares. C’est d’abord cette prétention d’offrir un spectacle total qui séduit le spectateur. 

Mais à l’inverse d’un film comme Annette ou les expérimentations se noient dans le flux, plusieurs séquences de Beau is afraid font office de véritables courts-métrages. Dans une atmosphère organique et terrifiante, l’ouverture nous montre un accouchement difficile à travers le regard dysfonctionnel du nouveau-né. Le film convoque aussi bien l’animation 3D que le théâtre ou le jeu vidéo, auquel il emprunte un sentiment de dissociation assez unique. L’intelligence d’Ari Aster est de fouiller dans des peurs universelles pour accrocher le spectateur, de la plus quotidienne (peur de perdre ses clefs, d’être cambriolé) aux plus profondes (peur de perdre ses proches). Comme tout enfant, Beau a été éduqué dans la culpabilité, mais son état de santé et la toxicité de sa mère l’ont empêché de s’émanciper. Si le film est dans une logique de surenchère, il conserve la volonté de parler à tous jusque dans le climax ; par le biais de fausses images d’archive, une situation parfaitement quotidienne devient la source d’un mal-être profond.

Ces petites subtilités sont mélangées à des outrances dignes de Takashi Miike ou Andrzej Zulawski, dans une hétérogénéité aussi déroutante que délicieuse. Malgré son abondance, le film reste cohérent et prend le spectateur par la main grâce à un habile jeu de récurrences et un second degré parfaitement maîtrisé. C’est en ce sens un film profondément américain, et sans doute le premier chef d’œuvre de toute cette nouvelle vague d’auteurs qui tendent vers l’horreur. Qu’un cinéaste en pleine possession de ses moyens fasse un tel film à 35 millions de dollars est une petite révolution.

Beau is afraid d’Ari Aster / Avec Joaquin Phoenix, Nathan Lane, Amy Ryan / Sortie le 26 avril 2023.


Publié le

dans

Commentaires

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s