House (1977) de Nobuhiko Obayashi

Une lycéenne rend visite à sa tante malade en compagnie de six amies. Isolées dans une grande demeure perdue au milieu de nulle part, les jeunes filles assistent à d’inquiétants événements surnaturels une fois la nuit tombée.

© Potemkine Films

Psychédékitsch

Aucun art n’a eu plus d’autodérision que le cinéma. Parce que le grand écran est le meilleur paysage pour véhiculer mythes et clichés, le septième art se cite lui-même pour mieux se parodier.

Une musique entêtante qui se superpose aux dialogues constitués des répliques prémâchées, le tout dans un montage avec des transitions parfois un peu longues… ou même sans transition. House a l’air d’être un film insupportable. Pourtant, Obayashi prouve que le kitsch n’est pas que synonyme du mauvais goût : il interprète ses codes pour le dépasser, devient un nouvel ordre de beauté engendré de l’ordinairement moche. Le kitsch est un régime esthétique comme politique : il explore la limite entre l’image poétique et le ridicule, il est le terrain de lutte des stéréotypes et imaginaires.

L’ouverture du film nous présente des plans proches du format portrait, maquillés de montages rappelant les collages des surréalistes. Les effets spéciaux deviennent des tableaux, volontairement grossis pour assumer pleinement les métaphores : les visages se brisent dans les glaces, le piano est carnivore… L’esthétique est saturée de détails qui font de House un chef d’œuvre psychédélique : l’onirisme kitsch est maîtrisé, tiré à son apogée.

House n’est pas seulement une énorme blague, Obayashi a un recul exceptionnel sur sa propre génération. Le kitsch est une réaction à la culture de masse, il se moque d’un paysage artistique saturé d’œuvres où tout finit par se ressembler : la mièvrerie des films romantiques, les scénarios attendus des films d’épouvante, les pouvoirs surnaturels des héros dans les films de kung-fu… House pousse les clichés à leur paroxysme pour les intégrer dans une esthétique psychédélique, chargée d’effets flirtant entre leur ridicule et leur beauté.

Tous les genres et symboles des années 70 sont détournés, ceux qui rendront leur époque ringarde, comme ceux qui font d’elle la décennie la plus singulière et caractérielle.

House de Nobuhiko Obayashi / Avec Kimiko Ikegami, Yoko Minamida, Miki Jinbo / Sortie en 1977, reprise le 28 juin 2023.


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